Toxicité des traitements anticancéreux
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Gradation de la toxicité

Les traitements anticancéreux peuvent être associés à de nombreux effets toxiques. Ceux-ci se voient attribuer un grade en fonction de leur gravité. l'échelle "Common Terminology Criteria for Adverse Events" est souvent utilisée : voir CTCAE v3 (2006).

Toxicité des immunothérapies par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire: anti-PD1, anti-PD-L1, anti-CTLA4

La toxicité peut apparaître tardivement, parfois même plusieurs mois après la fin du traitement. en voici les principales formes:

1. Toxicité cutanée
- rash maculo-papuleux affectant le tronc et/ou les membres, parfois prurigineux
- formes plus graves: ,atteinte étendue (> 30 % surface corporelle) avec décollement de l’épiderme, éruption bulleus et atteinte muqueuse (DRESS),fièvre élevée (> 39 °C) rapidité de la progression, troubles électrolytiques et de la coagulation
- diagnostic différentiel : toxidermie liée à un autre médicament, infection virale aiguë, dermatite de contact, vascularite
- traitement:
a) formes peu sévères: émollient, traitement local par dermocorticoïdes , antihistaminiques en cas de prurit ; poursuite si possible de l’immunothérapie
b) formes sévères: corticothérapie systémique orale, voire IV type méthylprednisolone 1-2 mg/kg; arrêt de l'immunothérapie

2. Asthénie
- fatigue inhabituelle avec retentissement sur les activités de la vie quotidienne
- signes associés pouvant orienter vers un diagnostic spécifique : dyspnée, faiblesse ou douleur musculaire, douleurs articulaires, fatigabilité à l’effort, douleur thoracique, ralentissement psychomoteur, confusion
- rechercher outre les causes habituelles en cancérologie (progression de la tumeur, douleur ...) des toxicités dysimmunitaires endocrinologiques (hypothyroïdie, insuffisance surrénalienne, diabète sucré, hypophysite), neurologiques (encéphalite, syndrome de Guillain-Barré, myasthénie), hématologique (anémie hémolytique auto-immune), respiratoire (pneumopathie inflammatoire) ou cardiaque (myocardite)

3. Hypothyroïdie
- le plus souvent asymptomatique, diagnostiquée par un contrôle des tests throïdiens avec élévation de la TSH et une T4 normale ou diminuée
- éventuellement asthénie, prise de poids, constipation, frilosité, anorexie, bradycardie, ralentissement psychomoteur,myalgies, troubles de l’humeur
- bilan: tests thyroïdiens, autoAC thyroïdiens (antithyropéroxydase, antithyroglobuline), échographie thyroïdienne
- traitement:
° en l’absence de symptôme : recontrôler la TSH à chaque cycle
° en cas de symptômes ou TSH > 10 : suspendre l’immunothérapie si symptômes, le temps de la normalisation; initier un traitement substitutif par L-thyroxine

4. Toxicité digestive : diarrhée :
- augmentation de la fréquence,de l’abondance ou modification de la consistance des selles par rapport au transit habituel
- recherche signes de colite: douleurs abdominales, émissions glairo-sanglantes
- signes de gravité: déshydratation, abdomen aigu (défense, contracture,iléus) sepsis
- diagnostic différentiel : gastr-entérite bactérienne entéropathogène, infection à Clostridium difficile, diarrhée post-antibiotique, hyperthyroïdie
- traitement :
a) diarrhées grade 1 : < 3 selles liquides par jour en plus du transit habituel, absence de signes de gravité : traitement symptomatique par ralentisseur du transit, réhydratation orale et surveillance; poursuite possible de l’immunothérapie
si persistance plus de 14 jours ou aggravation : suspendre l’immunothérapie, corticothérapie (méthylprednisolone) orale 0,5-1 mg/kg/j à débuter sans attendre’une exploration endoscopique
b) diarrhées grade 2 : 4 à 6 selles par jour en plus du transit habituel ou présence de signes de colite : suspendre l’immunothérapie, traitement symptomatique par ralentisseur du transit, réhydratation orale, surveillance rapprochée
si persistance plus de 3 jours ou aggravation : méthylprednisolone orale 0,5-1 mg/kg/j à débutersans attendre la réalisation d’une endoscopie
c) diarrhées grade 3-4 : > 6 selles par jour en plus du transit habituel ou présence de signes de gravité: hospitalisation, corticothérapie (méthylprednisolone) IV 1-2 mg/kg/j, l mise au repos tube digestif, arrêt de l’immunothérapie, imagerie digestive (tomodensitométrie), réalisation d’une endoscopie digestive
en l’absence d’amélioration à 72 heures de la corticothérapie ou aggravation, envisager la mise sous anti-TNF (infliximab)

. 5. Toxicité hépatique :
- le plus souvent asymptomatique avec élévation transaminases ou cholestase biologique
- signes de gravité : encéphalopathie, fièvre, coagulopathie, ictère
- diagnostic différentiel : progression tumorale, autre toxique (alcool, autre médicament…), infection virale, obstruction biliaire
- bilan: ne pas oublier recherche d’auto-anticorps : antinucléaire,anti-ADN, antimitochondrie, anti-LKM, anti-LC1
- traitement:
a) Grade 1 (transaminases < 3N) : arrêt des hépatotoxiques potentiels,surveillance biologique rapprochée, poursuite possible de l’immunothérapie
b) Grade 2 (transaminases > 3N et ≤ 5N ): arrêt de l’immunothérapie, surveillance biologique
si aggravation du bilan hépatique, corticothérapie (méthylprednisolone) orale 1 mg/kg/j
c) Grade 3-4 (transaminases > 5 N ou ou signes de gravité): envisager biopsie hépatique, méthylprednisolone IV 1-2 mg/kg/j , arrêt de l’immunothérapie
si corticorésistance, envisager autre immunosuppresseur

6. Toxicité pulmonaire :
- dyspnée, toux, découverte fortuite à l’imagerie
- signes de gravité : dyspnée de repos, fièvre, douleur thoracique, oxygénodépendance, détresse respiratoire
- diagnostic différentiel : embolie pulmonaire, progression tumorale, infection pulmonaire, décompensation d’une BPCO, insuffisance cardiaque ; autre toxicité dysimmunitaire (épanchement pleural, péricardite et myocardite, myasthénie, syndrome de Guillain-Barré )
- traitement :
a) grade 1 (asymptomatique) : surveillance rapprochée
b) grade 2 (symptomatique mais non oxygénodépendant): suspension de l’immunothérapie , réalisation lavage broncho-alvéolaire
si signes en faveur d’une infection, débuter antibiothérapie probabiliste à large spectre
si pas d’argument infectieux ou d’amélioration à 48 heures : débuter une corticothérapie (méthylprednisolone) 1 mg/kg/j c) grade ≥ 3 (oxygénodépendant ou signes de gravité): hospitalisation, oxygénothérapie et envisager transfert en réanimation, arrêt de l’immunothérapie
réalisation fibroscopie avec lavage broncho-alvéolaire
débuter sans tarder une corticothérapie (méthylprednisolone) IV 2-4 mg/kg/j associée à une couverture infectieuse par antibiothérapie probabiliste à large spectre
en l’absence d’amélioration à 48 heures ou aggravation, envisager la mise sous un autre immunosuppresseur (cyclophosphamide, mycophénolate)

Il existe d'autres complications notamment graves, elles sont envisagées sur www.oncorea.com

Toxicité dermatologique

A. Chimiothérapie
1. Érythème toxique:
- principaux agents en cause: taxanes (docétaxel, paclitaxel), cytarabine, busulfan, dactinomycine, doxorubine pégylée
- en une à trois semaines après le traitement: érythème inflammatoire dans les zones de friction et d’hypersudation (régions axillaires et inguinales)
- parfois formes plus graves avec décollement bulleux
- évolution vers desquamation et hyperpigmentation séquellaire

2. Syndrome main-pied
- en cause : capécitabine (50 % des cas), doxorubicine liposomale (30 %); plus rarement étoposide, taxanes (, méthotrexate, cytarabine
- atteinte inflammatoire bilatérale des paumes des mains et/ou des plantes des pieds
- impact fonctionnel parfois majeur (marche,gestes quotidiens)

3. Mucite
- pent se développer de la bouche à l’anus
- en cause : agents alkylants (sels de platine, cyclophosphamide...), antimétabolites (méthotrexate, fluoro-uracile, cytarabine…)
- lésions initialement érythémateuses puis ulcérées, devenant progressivement confluentes avec formation d’une pseudomembrane
- complication : douleurs, malnutrition, surinfection (herpes simplex, candida, etc.)

4. Toxicité unguéale
- le plus souvent impact cosmétique : lignes de Beau (sillon transversal sur la tablette),onychomadèse (forme extrême de ligne de Beau), ongles fragiles, modifications pigmentaires (mélanonychies, leuconychies)
- L’onycholyse (décollement de la tablette du lit de l’ongle sous-jacent): taxanes (fréquent)


5. Alopécie
- particulièrement fréquente avec les taxanes, le cyclophosphamide, l’étoposide, la doxorubicine, l’irinotécan…
- rarement permanente (docétaxel, thiotépa, busulfan)

B. Thérapies ciblées
1. Éruption acnéiforme
- surtout inhibitenrs des récepteurs HER: EGFR (ou HER1): anticorps monoclonaux (cétuximab, panitumumab) et inhibiteurs de tyrosine kinase (erlotinib, géfitinib, dacomitinib,afatinib…); inhibiteurs MEK (tramétinib, cobimétinib); inhibiteurs mTOR (évérolimus, temsirolimus)
- papules et pustules/nodules centrées sur le follicule pileux (aspect acnéiforme) prédominant sur les zones riches en glandes sébacées (cuir chevelu, visage, torse)

2. Syndrome main-pied
- inhibiteur récepteurs PDGF et VEGF ([sunitinib, axitinib, cabozantinib, régorafénib, sorafénib] et de la voie BRAF (dabrafénib, vémurafénib)
- souvent rapidement, dès le premier mois du traitement
- lésions strictement localisées sur les zones d’appui ou de contact avec aspect hyperkératosique et inflammatoire bien circonscrit

3. Stomatite
- ulcérations aphtoïdes bien circonscrites; dysesthésie buccale et/ou énanthème diffus avec dysgueusie
- en cause: inhibiteurs mTOR (35-55 %), inhibiteurs multikinase antiangiogéniques, inhibiteurs HER.

4. Toxicité unguéale
- paronychies (inflammation périunguéale) et granulomes pyogéniques (aspect de pseudo-ongle incarné)
- en cause: inhibiteurs HER (15 à 20%), anti-MEK, inhibiteurs mTOR

C. Immunothérapie
1. Exanthème maculo-papuleux et prurit
- lésions eczématiformes et non spécifiques avec respect du visage

2. Réaction lichénoïde
- deuxième en fréquence
^ formes palmoplantaires et atteinte des muqueuses génitales ou buccales possibles

3. Psoriasis induit
- psoriasis préexistant ou déclenchement de novo

4. Dermatoses auto-immunes
- dont pemphigoïde bulleuse

5. Réactions vitiligoïdes
- surtout avec anti-PD-1 (8 %)

6. Toxicité muqueuse
- réactions lichénoïdes: réseau réticulé ou lésions ulcérées
- xérostomie





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