Introduction à la méthodologie
La casuistique


Définition
La casuistique est l’observation, l’analyse et l’interprétation d’un cas clinique. En recherche clinique, c’est une méthode qui étudie des cas particuliers (un “case report” ou une série “case series”) pour en dégager les règles de l’action. L’objectif de la casuistique n’est cependant pas la généralisation en soi qui relève de l’épidémiologie clinique. En médecine clinique, la construction et l’interprétation d’un cas clinique demeurent un moyen essentiel d’apprentissage et de mémorisation. Un rapport de cas, même succinct, est une forme de communication professionnelle orale ou écrite, obéissant à des règles spécifiques.

Conditions du succès d’un rapport de cas :
repose sur plusieurs éléments :
- la pertinence du sujet abordé et le défi qu’il pose
- la qualité de sa présentation (précision, organisation, structure)
- sa contribution à la connaissance générale du problème
- un message clair (sans équivoque) de ce qui doit être retenu pour la pratique, pour la recherche ou pour les deux.

Motifs ou objectifs d’un rapport :
peuvent être variés :
- décrire le cours naturel (sans intervention médicale) inhabituel d’une maladie peu connue ou nouvelle;
- décrire le processus par lequel on est arrivé au diagnostic d’un cas inhabituel ou complexe;
- présenter une manoeuvre diagnostique ou thérapeutique inhabituelle dans un contexte donné et décrire les circonstances conduisant à une telle initiative;
- présenter une évolution inhabituelle d’une maladie ou d’une intervention thérapeutique (succès ou échec);
- rapporter les effets secondaires ou inattendus d’une manoeuvre diagnostique ou thérapeutique ;
- décrire les accidents cliniques rapportés au cours des manoeuvres diagnostiques ou thérapeutiques, leurs causes, leurs conséquences et leur contrôle éventuel;
- faire part de l’utilisation d’une nouvelle technologie diagnostique ou thérapeutique dans une situation particulière, y compris le transfert d’une technologie d’un domaine d’utilisation à un autre;
- présenter un cas et une situation clinique qu’il serait impossible de reproduire par observation ou par approche expérimentale pour des raisons d’éthique médicale ou à cause d’un nombre insuffisant de sujets;
- faire part d’un cas ou d’une situation clinique dans les situations d’accès limité aux cas et aux situations semblables, peu importe la raison;
- rapporter un phénomène qui aide à mieux comprendre la pathogénèse de la maladie à l’étude;
- renseigner sur le contrôle (réussi ou pas) d’une situation inhabituellement complexe sur le plan de la comorbidité et des cotraitements;
- ...

Types de rapports de cas
A. Rapport classique (case report, fait clinique, cas clinique, communication brève)
Les malades sont décrits et la discussion touche plus ou moins exclusivement les cas rapportés.
B. Rapport de cas avec synthèse des publications antérieures (case report and review of the literature)
Deux niveaux de discussion :
- d’abord le (les) cas : comment il(s) diffère(nt) de la présentation habituelle de la pathologie en question
- ensuite l’ensemble du domaine pathologique : apport de l’observation à la compréhension à l’ensemble du savoir sur la maladie.
C. Rapport bref (brief report, lettres)
= forme classique de rapport de cas, réduite à l’extrême et sans distinction dans la structure du message.
D. Rapport à visée éducative (séances anatomocliniques, clinical problem solving, ...)
= présentation d’un cas moins fréquent et difficile du point de vue du diagnostic différentiel, des décisions thérapeutiques et du pronostic.

Contenu et architecture du rapport de cas
A. Résumé
* Objectifs :
- attirer le lecteur sur le sujet de façon frappante et organisée
- proposer des faits marquants à un lecteur pressé qui n’aurait pas le temps ou l’occasion de lire le message au complet
* Organisation :
- motifs et raisons du rapport
- fond du problème (situation générale, pertinence, défi clinique) = “background”
- points saillants de la présentation de ces conclusions (que déduire de cette expérience ? quelle est la conduite à tenir à l’avenir ?).
B. Introduction
Destinée à “vendre le sujet” :
- définition du sujet à l’étude : problème, maladie, activité clinique, ...
- présentation du contexte général du problème abordé : ensemble des connaissances prédominantes (recherche bibliographique), situation et définis cliniques actuels
- question à laquelle le présent rapport veut fournir une réponse (motif du rapport)
- objectif et justification du rapport (peut se mettre aussi dans les conclusions) = identification des résultats espérés du rapport pour la pratique ou la recherche médicale.
C. Description du (des) cas (RAPPORT SPÉCIFIQUE)
Il conviendra de décrire les différentes étapes de l’évolution de la maladie en mentionnant les interventions effectuées (tests diagnostiques, mesures thérapeutiques) et leurs effets. Seules les données pertinentes seront inclues dans le rapport.
Le rapport s’articulera sur les éléments suivants :
a. état initial du malade aux plans clinique et paraclinique
- bref historique du patient (antécédents significatifs, personnels et familiaux)
- caractéristiques de risque du malade : marqueurs de risque (non modifiables comme le sexe) et facteurs de risque (modifiables comme le tabagisme)
- état initial du cours clinique (début du cas) : en présentant des informations indispensables à la bonne compréhension de la démarche diagnostique, du diagnostic différentiel ou de la décision thérapeutique (sans se perdre dans tous les détails de l’examen clinique et des tests effectués).
b. évolution du spectre et du gradient de la pathologie observée dans le cas (cours clinique) :
- évolution naturelle (natural course) ou clinique (clinical course en cas de manœuvre clinique : cf c et d )
- épisodes de la maladie : premier épisode (cas incident) ou autre épisode (cas prévalent) ? périodes de rémission : complètes, partielles, durée ? gravité des épisodes ?
- éventail clinique du cas :
* spectre clinique : étendue de la maladie dans les divers systèmes anatomophysiologiques
* gradient clinique et paraclinique : gravité et évolution du cas (en s’aidant éventuellement d’indices clinimétriques comme le système APACHE)
- description de la comorbidité (maladies intercurrentes).
c. manoeuvres diagnostiques, thérapeutiques et de soutien (soins)
A présenter, avec justifications à l’appui, si elles sont importantes pour la compréhension et la détermination des conséquences cliniques.
d. effets d’une manoeuvre clinique ou de son omission (effet subséquent)
Rapport les effets tant escomptés qu’imprévus avec leurs conséquences cliniques et paracliniques.
e. conclusion du cas
Décès ? autopsie ? sortie ? évolution après la sortie de l’hôpital ? durée du suivi après la rémission ?
N.B. : 1) en aucun cas, il ne convient de donner l’ensemble exhaustif des donnés cliniques et paracliniques disponibles mais le présentateur doit les connaître et être prêt à répondre aux éventuelles questions à leur sujet.
2) pour des raisons éthiques, la rédaction ou la présentation du cas sera anonyme et on évitera de mentionner des indications (dates, lieux, ...) permettant d’identifier le patient.
D. Discussion et conclusion
Il conviendra de :
a. discuter l’événement, ses conséquences et les facteurs éventuels de confusion : c’est le seul endroit où l’auteur ou le présentateur peut exprimer ses critiques, ses doutes, ses questions au sujet des observations.
b. montrer l’apport particulier du cas à la connaissance de la maladie.
c. faire des propositions et recommandations pour la pratique médicale (décisions cliniques) et pour la recherche (hypothèses à vérifier) : sans aboutir à des généralisations injustifiées et en intégrant la discussion du cas avec les connaissances rapportées dans la littérature.
Une conclusion sur l’importance du cas présenté et ses implications terminera la discussion.
E. Bibliographie
Elle portera sur la pathologie à l’étude, les actes cliniques posés et les décisions à prendre et actes à poser.
Son importance variera selon la formule de l’article et l’exigence de la revue.

Référence :
Milos Jenicek : Casuistique Médicale. Bien présenter un cas clinique. Edisen-Malorni, Saint-Hyacinthe (Québec), 1997.


Exercice proposé :
Prendre des cas cliniques et en établir le motif et le type de rapports

retour à index